le capitalisme doit se transformer ou disparaître

La nature du système capitaliste fait que l’accumulation du capital est valorisée au détriment des individus et de l’environnement: la vision à court terme des intérêts économiques et des décideurs politiques visant la quête perpétuelle de la croissance est en conflit avec un monde aux ressources finies.

Ne pas regarder le futur, rester planqué sur « on a déjà fait le nécessaire » ou « tant que les autres ne font rien, ça ne sert à rien de se priver » revient à jouer à l’autruche.

Le capitalisme doit changer pour faire une place au futur. Sinon, les nantis auront le pouvoir et les moyens, le reste du monde sera transformé en bétail, en matière première, en  force de travail sans plus de respect de la valeur humaine.

En soutenant le marché, en participant à la consommation à tout va, on ne fait que finir de détruire ce qui reste de la biodiversité et de l’harmonie du monde. On s’enfonce de plus en plus vers une dystopie.. Mais réalisée.

chronique du Courrier

Planifier pour décroître?

LUNDI 26 FÉVRIER 2024 

ROMAIN DESGRAZ

REPENSER L’ÉCONOMIE 

«Le capitalisme seul ne va pas sauver la planète» ou encore «le capitalisme ne va pas délivrer la transition énergétique assez rapidement… ni ‘Big Oil’1»; ces constats viennent respectivement de chroniques parues dans le Washington Post et le Financial Times, deux journaux anglo-saxons pourtant pas réputés pour être les plus grands défenseurs de l’interventionnisme étatique.

La nature du système capitaliste fait que l’accumulation du capital est valorisée au détriment des individus et de l’environnement: la vision à court terme des intérêts économiques et des décideurs politiques visant la quête perpétuelle de la croissance est en conflit avec un monde aux ressources finies. La recherche du profit rend difficile la redirection des investissements vers des activités durables du fait de leur limites techniques et leur manque de rentabilité, contrairement aux secteurs liés aux énergies fossiles. Les conséquences de ce modèle menacent désormais les conditions de vie de l’humanité, avec six limites planétaires déjà dépassées.

Fort de ce constat, le mouvement de la décroissance s’est formé à travers scientifiques et militant·es pour faire face à ce problème et imaginer une société qui vise l’épanouissement de l’humanité. Kate Raworth imagine ainsi l’«économie du donut»2, qui garantirait un plancher social tout en respectant le plafond environnemental, afin de créer un «espace sûr et juste» pour l’humanité qui permette un développement économique inclusif et durable.

Si le mouvement prône de changer de paradigme politico-économique, l’ampleur de la tâche nécessite une approche dirigée et coordonnée à plusieurs niveaux, du local au global. Cédric Durand, Elena Hofferberth et Mathias Schmelzer proposent un modèle3 qui se base sur la planification économique démocratique, rendant l’économie du donut plus réaliste. Elle a pour fondation un procédé de délibération où citoyen·nes, scientifiques, industries, mouvements sociaux et agences gouvernementales se réunissent pour décider de l’élaboration de la transition climatique.

La première étape du modèle consiste à définir les limites écologiques, les besoins et les régulations nécessaires aux différentes échelles (inter)nationale, territoriale, sectorielle et au niveau local – villes, entreprises et communautés. L’objectif est de reconsidérer ce qui est produit et comment cela est produit, à travers un cadre global planifié de manière démocratique permettant de rediriger les efforts communs vers la production de ce qui est le plus utile, plutôt que ce qui est le plus rentable, afin de se débarrasser des activités néfastes. Chaque niveau se fonde sur des débats informés en vue du bien commun, en s’appuyant sur le principe de subsidiarité: ce qui peut être traité à l’échelle la plus petite doit être traité à ce niveau-là. Cela permet l’inclusion des différentes voix et évite ainsi une centralisation autoritaire. Cette transformation de la politique industrielle doit être faite par et pour le peuple, en socialisant les capacités fiscales des pays et des organisations internationales, en vue de diminuer la dépendance envers les investissements privés.

En Suisse, la pratique des assemblées citoyennes a le vent en poupe. Plusieurs communes se sont essayées à cet exercice en invitant leurs habitant·es à imaginer le futur, notamment via les thèmes de la qualité de vie, de l’éducation ou de la mobilité. D’autres assemblées se sont également réunies sur des questions plus larges: l’alimentation, le climat, l’énergie et la démocratie sont par exemple évoquées par l’organisation Citizens’ Democracy. L’assemblée Avenir alimentaire suisse semble particulièrement pertinente au regard du cadre proposé par nos auteur·es. Le colloque composé de deux groupes (scientifique et citoyen) a soumis en février 2023 près de 150 recommandations aux autorités fédérales sous quatre thèmes: éducation, réglementation, subventions publiques et taxes.

Si l’effet de ce rapport n’est pas encore connu, il marque un tournant en permettant au peuple de participer de manière plus directe et active au futur de la Suisse. Mais l’exercice n’est pas infaillible, comme l’a récemment démontré la Convention citoyenne pour le climat en France.

Bien qu’elles représentent un premier pas vers la planification écologique, ces initiatives n’ont qu’une portée consultative limitée, en laissant les décisions d’investissement, de production et d’emploi dans la sphère du privé, alors que ces questions centrales doivent être discutées collectivement afin de construire une économie durable et inclusive.



février 2024