plutôt couler en beauté que flotter sans grâce

Nul ne peut tenir pour certain que l’effondrement généralisé arrivera, nul ne peut affirmer comment ni quand.

C’est en quelque sorte un nouveau pari de Pascal laïque que nous sommes appelés à faire: selon le philosophe, une personne rationnelle a tout intérêt à croire en Dieu, qu’il existe ou non: si Dieu n’existe pas, croyants comme mécréants ne perdent pas grand-chose. En revanche, si Dieu existe, le croyant gagne un paradis…

Appliqué à l’hypothèse de l’effondrement, le pari consiste non pas à croire mais à agir: que l’effondrement arrive ou non, nous avons tout à y gagner. Il ne s’agit pas de sauver la société moderne. Mais tout n’est pas non

plus à jeter. Or ce qu’il y a à préserver dans notre civilisation est précisément ce qui doit être entrepris pour éviter le choc ou l’amortir, le rendre moins inégalitaire ou réduire la période de chaos après.

Tout ce qui aura été mis en place pour questionner l’utilité sociale de nos productions et leurs processus de fabrication, pour relocaliser la production, notamment alimentaire, réduire nos émissions de gaz à effet de serre et développer l’autonomie énergétique, assainir l’eau et l’air, pour apprendre la sobriété dimensionnelle comme pour se réapproprier les avoir-faire «low tech» ou mieux répartir les ressources: tout cela aura contribué, grande panne ou non à dessiner les contours d’un monde plus juste, plus harmonieux, et au final plus résistant aux secousses qui ont déjà commencé.

Extrait du livre de Corinne Morel Darleux paru aux éditions Libertalia

 

octobre 2021